Suite au premier article évoquant la responsabilité de l’agent immobilier en cas de sous-évaluation, la présente analyse nous mènera à nous intéresser à la mise en cause du professionnel de l’immobilier dans l’hypothèse de la surévaluation du bien.
La responsabilité de l’agent immobilier en cas de surévaluation d’un bien
La surévaluation d’un bien par une agence immobilière a en effet été retenue par une Cour d’appel dans un arrêt du 25 mars 2021 (CA Rouen, n° 19/01978).
En l’espèce, des vendeurs ont sollicité un agent immobilier aux fins d’obtenir une estimation de leurs deux terrains et d’un immeuble à usage d’habitation. L’agence immobilière a estimé que les biens présentaient une valeur de 400 000 euros. Dès lors, les vendeurs ont donné un mandat exclusif à l’agence pour ce montant.
Parallèlement, les vendeurs se sont portés acquéreurs d’un bien d’une valeur de 309 000 euros vendu par l’intermédiaire de la même agence. Au terme du mandat exclusif, leur maison n’était toujours pas vendue et n’avait pas été visitée. Les vendeurs ont donc pris attache avec d’autres agences immobilières qui ont indiqué qu’une estimation de 400 000 euros était trop élevée. Suite à des baisses de prix successives, le bien a été vendu 2 ans après sa mise sur le marché, pour un montant minoré de 40% par rapport à l’estimation effectuée par l’agence mandataire. Ainsi, les vendeurs ont été contraints d’allonger la durée de remboursement du prêt relais souscrit pour financer en son temps leur acquisition suivante.
Au cours des débats, l’agence immobilière a soulevé au soutien de sa défense qu’une évaluation n’avait pas valeur d’expertise. Or, si la juridiction de céans a retenu cet argument, elle relève que l’évaluation « engage néanmoins la responsabilité de son auteur dès lors qu’elle émane d’un professionnel de l’immobilier qui doit être en mesure de fournir une évaluation la plus proche possible du prix du marché », et le professionnel de l’immobilier n’a pas démontré que la baisse de valeur du bien était due à la crise immobilière de 2013. L’agence, en qualité de professionnel, devait nécessairement avoir conscience des conséquences de cette évaluation. En effet, suite à cet avis émis par l’agence immobilière sur leur bien, les vendeurs ont pris la décision d’acheter rapidement un autre bien et de recourir à un prêt relais.
Sur ces fondements, la Cour d’appel a retenu à l’encontre de l’agence un manquement à son devoir d’information et de conseil. La juridiction a ainsi condamné l’agent immobilier à indemniser les requérants. En effet, les vendeurs auraient pu différer leur décision d’acquérir un nouveau bien tout comme celle de recourir à un prêt relais.
Quelles leçons en tirer ?
Il est constant qu’en sa qualité d’intermédiaire à l’opération de vente, une agence immobilière n’est débitrice que d’une obligation de moyens. Le seul fait pour elle de ne pas être parvenue à vendre un bien ne caractérise pas nécessairement une faute de l’agent immobilier pouvant engager sa responsabilité. Aussi, la partie adverse se devra de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre ces deux éléments pour engager efficacement la responsabilité du professionnel.
Il ressort de l’analyse des décisions présentées dans ces deux articles qu’une faute de l’agence immobilière peut être établie si l’estimation du bien émise n’est pas celle qui aurait été en cohérence avec le marché.
Dès lors, si une erreur était commise par l’agence immobilière sur l’évaluation du bien, le préjudice résultant de la sur ou sous-évaluation du bien devra être réparé par le professionnel de l’immobilier mis en cause. Le préjudice s’apprécie différemment si le tiers a subi une sous-évaluation ou une surévaluation. En cas de sous-évaluation du bien, le préjudice relèverait de la perte de chance d’avoir pu vendre le bien à un prix supérieur. En cas de surévaluation du bien, le préjudice pourrait s’apprécier sous l’angle d’une perte de chance de n’avoir pu vendre le bien plus rapidement.
A l’aune de ces décisions étudiées au sein de nos deux articles, les juges ont exprimé une volonté d’étendre la responsabilité des agences immobilières lorsque ces dernières émettent de simples avis de valeur. Les agences immobilières devront donc se montrer vigilantes lors de l’évaluation du bien ainsi que tout au long du processus de commercialisation. Un travail d’archives en outre des éléments de comparaison ayant conduit le professionnel de l’immobilier à émettre cette estimation du bien devra être effectué. Ce travail permettra aux agences immobilières de justifier des diligences accomplies dans le cadre de l’évaluation du bien.
Le département Garantie Financière de Verspieren, par l’intermédiaire de ses packs, vous couvre pour les risques liés à votre responsabilité civile professionnelle et notamment les mises en cause relatives au devoir d’information et de conseil. Au surplus, vous pouvez également bénéficier d’une assistance juridique et téléphonique, conseillée notamment dans le cadre d’une situation laissant présumer un contentieux.
Sarah HURTHAULT – Juriste Garantie Financière chez Verspieren