L’agent immobilier a pour obligation de vérifier la solvabilité de l’acquéreur au titre de son devoir d’information et de conseil.
Analyse de la décision du 11 décembre 2019 relative à la vérification de la solvabilité de l’acquéreur
Une récente décision de la Cour de Cassation (CC, 1 ère civile, 11 Décembre 2019) vient préciser une jurisprudence déjà fournie relative à l’obligation pour l’agent immobilier de vérifier la solvabilité de l’acquéreur au titre de son devoir d’information et de conseil. A défaut de pouvoir justifier d’une telle démarche, l’agent immobilier se verra engager sa responsabilité civile.
En l’espèce, les vendeurs ont confié un mandat de vente à une agence immobilière. Les vendeurs et l’acquéreur ont signé un compromis de vente, au sein duquel l’acquéreur déclare ne pas avoir à recourir à un emprunt pour acquérir le bien. A la date prévue de la réitération par acte authentique, l’acquéreur ne s’est pas présenté. Suite à l’échec par les vendeurs d’obtenir le montant de la clause pénale à l’amiable, ceux-ci ont assigné l’acquéreur et l’agent immobilier en indemnisation.
La cour d’appel pour rejeter les prétentions des vendeurs a considéré qu’il n’avait jamais été dissimulé aux vendeurs que l’acquéreur fût cariste magasinier et que les vendeurs étaient « demeurés libres de ne pas contracter s’ils estimaient que les garanties offertes n’étaient pas suffisantes ». Au surplus, la cour précisait que « l’agent immobilier ne dispose pas de plus de moyen qu’un simple particulier pour contrôler la solvabilité réelle de l’acquéreur ».
La cour de cassation va casser la décision en indiquant « que l’agent immobilier n’avait pas justifié avoir conseillé aux vendeurs de prendre des garanties ou les avoir mis en garde contre le risque d’insolvabilité de l’acquéreur ».
Revue de Jurisprudence
Cette décision, bien que contraignante pour l’agent immobilier, est dans la droite ligne de la position de la Cour de Cassation et de nombreuses décisions de Cours d’appel. Même en l’absence de mandat, il avait déjà été considéré que l’agent immobilier devait vérifier l’identité de l’acquéreur, s’assurer de sa solvabilité, de l’origine des fonds et de son lieu de résidence. De même, en terme de transaction locative, la Cour de Cassation (Cass. 1e civ. 16.11.2016) avait imposé que « le négociateur d’une opération locative, est tenu, quelle que soit l’étendue de sa mission, de s’assurer de la solvabilité des candidats à la location à l’aide de vérifications sérieuses ».
Ainsi, les juridictions, au titre du devoir d’information de conseil et de mise en garde n’hésitent pas à condamner l’agent immobilier qui ne justifie pas d’avoir fait des recherches sérieuses sur la solvabilité de ou des acquéreurs qu’il présente à ses mandants. La décision commentée illustre particulièrement l’obligation de mise en garde. Si la préconisation de garantie est difficile à mettre en place en termes de solvabilité (hormis le séquestre), la mise en garde des vendeurs par l’agent immobilier par tous moyens (courriel, compromis, …) du risque de l’opération est plus facilement réalisable. Dans le cas précité, l’agent avait simplement indiqué l’âge, le travail, la situation matrimoniale de l’acquéreur et du fait qu’il n’allait pas recourir à un emprunt. Il appartenait donc à l’agent immobilier de solliciter auprès de l’acquéreur des précisions sur l’origine des fonds et en fonction des éléments financiers en retour, avertir ses mandats du risque lié à cette opération.
Les juridictions vont apprécier différemment les litiges en fonction du type de financement de l’acquéreur, acquisition avec condition suspensive et acquisition comptant, l’obligation de mise en garde étant accentuée dans ce dernier cas.
Nonobstant ces décisions condamnant l’agent immobilier, ladite obligation est « appréciée in concreto, à partir d’éléments apparents ou de circonstances objectives ». Il n’appartient pas à l’agent immobilier d’essayer de prédire la solvabilité de l’acquéreur, mais de justifier qu’il ait effectué suffisamment de recherche ou à défaut de résultat, d’avoir averti le vendeur du risque de l’opération. Par exemple, dans un arrêt Civ, 1ère 2 avril 2009, la cour a rejeté la responsabilité de l’agent immobilier au motif que dans le cadre d’un achat comptant, celui-ci « avait vérifié que le compte de l’acquéreur était suffisamment approvisionné pour payer ». En effet, l’agent immobilier reste soumis à une obligation de moyen et non de résultat concernant la solvabilité de l’acquéreur.
Au surplus, il appartient à l’agent immobilier, professionnel de l’entremise, de pouvoir rapporter la preuve de ses éléments de recherche.
L’impact de la décision sur votre métier
Si cette obligation jurisprudentielle peut paraître contraignante dans la mesure où dans certaine vente, la mise en garde d’un mandant par l’agent immobilier sur l’opération peut entrainer son refus de vendre, cela permet néanmoins d’assurer la sécurité juridique de la vente car le risque lié à la solvabilité de ou des acquéreurs sera fortement diminué. En outre, cette obligation est complémentaire aux obligations des agences immobilières liées à la réglementation TRACFIN qui impose la vérification des origines des fonds tant du vendeur que des acquéreurs.
A ce titre, il a été constaté une augmentation du nombre de contrôle TRACFIN effectué à l’encontre des agences immobilières.
Le département Garantie Financière de Verspieren, par l’intermédiaire de ses packs, vous couvre aussi bien pour les risques liés à votre responsabilité civile professionnelle, notamment les mises en cause relatives au devoir d’information et de conseil, mais également une assistance juridique et téléphonique en cas de contrôle de votre société au titre des obligations TRACFIN.
Mathieu ROLAND
Responsable juridique et technique
mroland@verspieren.com