L’évaluation du bien est une étape importante dans le processus de vente du bien. D’une part, elle matérialise la première rencontre entre le vendeur et l’agent immobilier, et d’autre part, elle s’analyse également comme une étape précontractuelle de l’opération de vente. En effet, les juridictions civiles n’hésitent pas à retenir la responsabilité de l’intermédiaire en cas de surévaluation ou de sous-évaluation du bien. Ainsi, il convient de s’interroger sur les obligations de l’agent immobilier par l’analyse de deux jurisprudences.
La responsabilité de l’agent immobilier en cas de sous-évaluation du bien
La sous-évaluation du bien par une agence immobilière a été retenue par la Cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 7 mars 2018, n°17/00422).
En l’espèce, l’agence immobilière a formulé le 31 octobre 2012 une estimation du bien comprise entre 110 000 euros et 120 000 euros. Le même jour, un mandat exclusif a été signé pour un prix de 130 000 euros incluant la rémunération de l’agence immobilière (10 000 euros). Selon l’acte authentique de vente en date du 29 mars 2013, le bien a été vendu pour un prix de 117 000 euros, outre la commission de l’agence immobilière qui était à la charge des acquéreurs.
Or, un an plus tard, l’administration fiscale a adressé aux vendeurs un redressement des droits d’enregistrement en retenant une valeur vénale réelle de 143 000 euros pour le bien précité.
Les vendeurs ont, par conséquent, engagé la responsabilité de l’agent immobilier, estimant que ce dernier avait procédé à une mauvaise évaluation du bien.
La Cour d’appel a condamné l’agence immobilière au titre d’un manquement à son devoir information et de conseil. La juridiction de céans a retenu, d’une part, qu’au regard des travaux effectués par le vendeur postérieurement à l’évaluation effectuée par l’agent immobilier, ce dernier aurait dû attirer l’attention de son mandant sur l’insuffisance du prix de vente.
D’autre part, l’agent immobilier n’a pas été en mesure de contredire la valeur des lots comparables rapportée au sein de l’avis de redressement adressé par l’administration fiscale. En effet, le professionnel de l’immobilier n’a pu nullement étayer sa défense en produisant des recherches d’antécédents et des éléments de comparaison concernant les prix du marché immobilier dans la région du bien vendu.
Ainsi, en l’état de ces deux éléments, la Cour d’appel a estimé que l’agence immobilière avait commis une faute dans le cadre de l’exécution de son mandat. Cette faute commise par le professionnel de l’immobilier a engendré une perte de chance pour le vendeur d’avoir pu vendre son bien à un prix supérieur. L’agent immobilier a donc été condamné à indemniser le vendeur de son préjudice.
L’impact de cette jurisprudence pour les professionnels de l’immobilier
En notre qualité de Courtier, nous constatons davantage de mises en cause de la responsabilité des agents immobiliers en cas de sous-évaluation du bien. Cette mise en cause intervient, par exemple, lorsque le bien est vendu dans le cadre d’une succession ou encore s’il fait l’objet d’une vente en viager.
Néanmoins, cette jurisprudence n’illustre pas seulement la mise en cause des agents immobiliers en cas de sous-évaluation du bien mais démontre également une volonté des juges de ne plus limiter la responsabilité des agences immobilières lorsque ces dernières émettent de simples avis de valeur.
Un avis de valeur s’analyse comme une estimation d’un bien lorsque l’agent immobilier fournit une fourchette d’appréciation sur la valeur du bien en s’appuyant notamment sur la qualité et les caractéristiques du bien évalué ainsi que de l’état actuel du marché. Cet avis n’avait qu’une simple valeur informative.
A contrario, l’estimation immobilière ou rapport d’expertise immobilière est un document juridique qui engage la responsabilité civile professionnelle de l’expert immobilier qui le délivre. Il s’agit, donc, de définir une valeur réelle du bien à un instant donné qui pourra être utilisée dans divers cas de figures, notamment dans le cadre d’une succession ou par des acheteurs potentiels.
Bien que ces deux prestations étant distinctes l’une de l’autre, cette tendance jurisprudentielle démontre une volonté des juges à engager la responsabilité des professionnels immobiliers aussi bien lorsque ces derniers délivrent des expertises immobilières que des avis de valeur. Ce durcissement de la jurisprudence doit appeler les agences immobilières à faire preuve de plus prudence lors de l’émission d’avis de valeur.
Il apparait, dès lors, nécessaire que les agences immobilières mettent en place certaines mesures préventives afin de se préserver d’une éventuelle mise en cause.
Le professionnel de l’immobilier se doit d’être attentif lorsqu’il effectue l’estimation d’un bien au moment de la prise du mandat de vente mais également tout au long du processus de vente si celui-ci devait se prolonger dans le temps. Si des modifications significatives devaient affecter le bien pendant le processus de vente tels que par exemple des travaux sur le bien ou l’évolution du marché de l’immobilier, l’agent immobilier devra procéder à une nouvelle évaluation du bien et en informer son mandant.
Par ailleurs, il sera également nécessaire de conserver les éléments ayant permis l’évaluation du bien en cas de litige. En effet, il sera possible pour un agent immobilier de contester toute responsabilité de sa part s’il peut rapporter les éléments justifiant l’évaluation émise par ses soins.
Le département Garantie Financière de Verspieren, par l’intermédiaire de ses packs, vous couvre pour les risques liés à votre responsabilité civile professionnelle dans le cadre d’une mise en cause relative à un avis de valeur ou une estimation immobilière.
Dans le prochain article, la mise en cause de la responsabilité de l’agence immobilière au titre d’une surévaluation du bien sera abordée.
Sarah HURTHAULT – Juriste Responsabilité Civile chez Verspieren