Dans le cadre d’une vente d’un logement dans lequel ont été réalisés des travaux par le vendeur, un agent immobilier a des obligations tant à l’égard de l’acheteur que du vendeur. En effet, le professionnel de l’immobilier est tenu de vérifier la nature des travaux exécutés par le propriétaire et, le cas échéant, l’interroger sur la souscription d’une assurance couvrant les désordres de nature décennale. Verspieren fait le point sur les obligations des agents immobiliers, des notaires et celles des vendeurs quant aux informations à porter à la connaissance des acquéreurs.
Le jugement rendu le 1er décembre 2015 par le Tribunal de grande instance du Mans apporte des éléments de réponse. A cette occasion, Verspieren avait assuré la défense des intérêts de l’agent immobilier, dont la responsabilité a pu être écartée. Après avoir sollicité une expertise judiciaire suite à d’importants désordres de structures constatés sur leur bien, les acquéreurs ont assigné au fond le vendeur, l’agent immobilier et le notaire. Les juges ont alors apprécié la responsabilité de chacune des parties.
La responsabilité du vendeur
La responsabilité du vendeur a été examinée par le tribunal au visa de :
- l’article 1792 du Code civil aux termes duquel tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettant la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination,
- l’article 1792-1 2° du Code civil qui précise qu’est réputée constructeur de l’ouvrage toute personne qui vend après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire.
L’expert judiciaire a qualifié les travaux réalisés par les vendeurs comme une transformation de l’ouvrage existant. De par leur importance et leur finalité, les juges en ont conclu que les travaux effectués pouvaient être assimilés à la construction d’un ouvrage. Par ailleurs, ils ont estimé que « l’extension de la qualité de constructeur et des garanties qui en découlent, au vendeur non professionnel ayant lui-même construit un ouvrage, implique nécessairement l’absence de contrat de louage d’ouvrage ainsi que l’absence de réception puisqu’il ne peut être lui-même exigé du vendeur constructeur qu’il reçoive entre ses propres mains l’ouvrage qu’il a lui-même exécuté. Ainsi, la garantie légale prévue par l’article 1792-1 2° s’applique indépendamment de la notion de réception, dès lors que les travaux effectués par le vendeur sont des travaux assimilables à la construction d’un ouvrage et qu’ils sont atteints de désordres qui n’étaient pas apparents lors de la vente et qui nuisent à la solidité de l’ouvrage ou le rendent impropre à sa décision. »
Les juges ont estimé que la responsabilité des vendeurs était engagée à l’égard des acquéreurs sur le fondement de la garantie légale décennale du fait des désordres constatés. Les vendeurs ont ainsi été condamnés à réparer l’entier préjudice résultant de ces désordres de nature décennale (environ 60 000 €). Un appel a été interjeté.
La responsabilité du notaire
La responsabilité du notaire a été examinée au regard de son devoir d’information et de conseil à l’égard de toutes les parties concernant l’acte qu’il reçoit et authentifie. Selon le tribunal, « le notaire rédacteur de l’acte doit prendre toutes dispositions utiles pour en assurer l’efficacité notamment en ce qui concerne la protection des parties à l’acte. Ainsi, chargé de dresser un acte de vente immobilière, il était tenu de faire mention de l’existence ou non de la réalisation dans l’immeuble vendu des travaux entrant dans le champ des garanties légales obligatoires prévues par les articles 1792 et suivants du Code civil et le cas échéant, de l’existence ou de l’absence des assurances prévues aux articles L.241-1 et suivants du Code des assurances ». Les juges ont ensuite observé que « le notaire avait mentionné dans l’acte au titre des déclarations des vendeurs que l’immeuble a été construit et achevé dans sa totalité depuis plus de 10 ans ; qu’aucune construction ou rénovation n’a été effectuée dans les dix dernières années, ni aucun élément constitutif d’ouvrage ou équipement indissociable de l’ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil n’a été réalisé sur cet immeuble depuis moins de dix ans. Même si n’ayant pas négocié la vente, il n’était pas tenu de visiter le bien immobilier, il avait l’obligation de vérifier l’exactitude des déclarations des vendeurs, au moins au vu des pièces qui lui ont nécessairement été communiquées, à savoir les titres de propriété antérieurs et le compromis ».
Selon les juges, la lecture comparée de ces actes aurait permis au notaire de déceler que des travaux d’importance av aient été réalisés dans l’immeuble vendu pendant la période durant laquelle les vendeurs en étaient les propriétaires. Ainsi, le notaire aurait pu s’interroger plus amplement sur l’existence ou non des travaux de construction au sens des articles 1792 et suivants du Code civil et, le cas échéant, questionner les vendeurs sur la souscription d’une assurance. Si tel n’était pas le cas, le notaire aurait pu informer les acquéreurs de l’absence d’assurance. Les juges ont statué « qu’en se contenant de reprendre les déclarations des vendeurs qui affirmaient qu’aucun des travaux entrant dans le champ de la garantie décennale n’avait été réalisé depuis 10 ans, alors que l’exactitude de ces déclarations était mise en doute par des éléments objectifs, de nature à éveiller les soupçons, le notaire a manqué à son obligation de conseil à l’égard des acquéreurs ».
Le tribunal a recadré le litige sur le plan de la responsabilité tout en mentionnant que « pour autant, la relation directe entre la faute commise par le notaire et le préjudice dont la réparation est sollicitée par les demandeurs, doit être établie par ces derniers ». Il a alors été constaté que « si la faute commise par le notaire qui n’ a pas attiré l’attention des acquéreurs sur la réalisation de travaux de construction par les vendeurs eux-mêmes, sans souscription d‘une assurance couvrant les désordres de nature décennale pouvant affecter ces travaux, a eu pour effet de priver les acquéreurs du choix qui s’offrait à eux de poursuivre ou non la vente aux conditions des vendeurs, c’est-à-dire de la chance de renoncer à la vente ou de la conclure à des conditions moins onéreuses, le notaire n’est pas responsable des désordres affectant la charpente, la toiture et le plancher du grenier. Dès lors, le lien de causalité entre la faute pouvant lui être reprochée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et le préjudice résultant de la nécessité d’entreprendre des travaux de reprise des désordres affectant le bien immobilier et des inconvénients en découlant, n’apparaît pas démontré ».
La responsabilité de l’agence immobilière
Enfin, la responsabilité de l’agence immobilière n’a pas été retenue par le tribunal sur le fondement de l’absence de lien de causalité entre la faute imputable au professionnel de l’immobilier et le préjudice invoqué.
Les juges ont d’abord noté que l’agence immobilière s’est vu confier un mandat de vente le 16 juillet 2008. Le mandat d’agence était bien assorti d’une description détaillée mentionnant l’existence de travaux d’aménagement dans le grenier. Par ailleurs, l’agent immobilier avait une parfaite connaissance de la situation du logement à vendre puisqu’il organisait les visites du bien.
Sur la base de ces éléments, les juges en ont conclu que l’agence immobilière ne saurait prétendre qu’elle ignorait que des travaux d’importance avaient été récemment réalisés par les vendeurs. Et de préciser qu’en sa qualité de professionnelle, « il lui appartenait, avant de rédiger le compromis, de vérifier auprès des vendeurs les éléments affectés par les travaux exécutés par eux et le cas échéant de les interroger sur la souscription d’une assurance garantissant durant le délai décennal les désordres susceptibles d’apparaître postérieurement à la vente, pour en informer les acquéreurs potentiels ». Le tribunal a considéré que l’agence immobilière avait ainsi failli à son devoir de conseil à l’égard de sa clientèle d’acquéreurs qui a signé le compromis de vente par son intermédiaire. Si la faute commise par l’agence immobilière a eu pour conséquence de priver les acquéreurs du choix ou non de conclure la vente aux conditions des cédants, le tribunal a estimé que l’agence immobilière n’était pas responsable des désordres affectant la charpente, la toiture et le plancher du grenier. Par conséquence, « le lien de causalité entre la faute pouvant lui être reprochée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et le préjudice résultant de la nécessité d’entreprendre des travaux de reprise des désordres affectant le bien immobilier et des inconvénients en découlant, n’apparaît pas démontré ». Les juges ont débouté les acquéreurs de leur demande de condamnation de l’agence immobilière, in solidum avec les vendeurs, à réparer le préjudice subi.
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